Résultats de recherche pour “Erwin Dejasse” 1 à 6 (6)

La Musique silencieuse de José Muñoz et Carlos Sampayo

Tous deux Argentins exilés en Europe dans les années 1970, José Muñoz et Carlos Sampayo…

Abstraction and Comics. Bande dessinée et abstraction

Qu’en est-il de la bande dessinée dite abstraite ? Quels sont ses ressorts historiques, sémiotiques ou formalistes ? Le très beau coffret de deux volumes, Bande dessinée et abstraction, rassemble des contributions et des créations originales qui explorent la grande variété de l’abstraction en bandes dessinées. L’abstraction doit-elle être comprise dans le sens qu’elle a pris dans l’histoire de l’art, en peinture ? Peut-on dire qu’elle définit un tournant moderniste touchant les arts visuels alors que, ab initio , depuis l’origine de l’art, la tendance à l’abstraction est présente ? Les opérateurs identifiant une BD expérimentant l’abstraction varient en fonction des théoriciens : là où Ibn Al Rabin nomme abstraction le non-figuratif, Andreï Molotiu la resserre autour de l’éviction de la narration. Les créations du collectif WREK avec l’artiste-graveur Olivier Deprez, celles de Pascal Leyder, Frank Vega, Berliac, Francie Shaw, Ilan Manouach et bien d’autres jouent la carte de la tension, du dialogue non mimétique avec les textes. L’irruption de quelques planches abstraites dans une BD ou la construction d’œuvres graphiques entièrement soutenues par l’abstraction modifient le «  régime scopique du spectateur  » (Jacques Dürrenmatt). Si le terme de bande dessinée abstraite se répand dans les années 2000, auparavant, bien des artistes ont construit des œuvres reposant sur des images non figuratives, par exemple géométriques, ou invalidant le dispositif narratif. Au travers des contributions de Jan Baetens, Jean-Charles Andrieu de Levis, Kakob F. Dittmar, Paul Fisher Davies, Jean-Louis Tilleuil, Denis Mellier et d’autres, il appert qu’il n’y a pas une abstraction mais des abstractions. Certains créateurs maintiennent une visée diégétique, un récit tandis que d’autres l’évacuent. De même, certains recourent à la figuration, d’autres la subvertissent. Purification d’une forme qui sonde la seule dimension graphique, le voir, sans plus se diluer dans le raconter, attention exclusive aux qualités plastiques des images, veine underground, autonomiste refusant les codifications et les dogmes de la BD, les circuits de production et de réception, exploration libre, mutante des ressources du médium, interrogation sur la fabrique des images, contestation de l’auctorialité… la bande dessinée abstraite expérimente bien des formes qui secouent l’horizon d’attente de lecteurs habitués à la lisibilité d’un récit (personnages, actions,  péripéties, contexte spatio-temporel…), une lisibilité poussée à ses extrémités avec la ligne claire. Les titres, les textes accompagnant les images restaurent parfois une trame narrative, orientant la réception des lecteurs.Choisir l’abstraction, c’est aussi s’abstraire des comics, accomplir «  un geste de rupture qui cherche à s’abstraire plus ou moins radicalement de l’hégémonie du récit  » (Denis Mellier), opter pour l’a-narrativité, s’affranchir de la «  tutelle du récit  » ou/et rompre avec le champ du figuratif. Qu’elles contestent l’impératif narratif, la représentation figurative ou les deux, les expressions multiples de la bande dessinée abstraite déterritorialisent la sphère du neuvième art, y traçant des lignes de fuite, des dispositifs qui déstratifient le genre. Autrement dit, elles illimitent les possibilités du médium, jouant de tous les registres de la narrativité minimale, de la visée de son degré zéro ou de la métanarrativité comme de ceux du figuratif.«  Ses tendances [de la BD] à l’abstraction sont peut-être constitutives de son discours graphique…

Knock Outisder ! Vers un troisième langage

À travers l'évocation du parcours de La « S » Grand Atelier (Vielsalm, Belgique), Knock Outsider , Vers un troisième langage envisage un véritable laboratoire artistique de la mixité.Faire voler en éclat les catégories, ouvrir de nouvelles perspectives de reconnaissance pour des créateurs traditionnellement positionnés en marge des grands courants artistiques, valoriser un « art brut contemporain » qui s'affranchisse de ses modèles historiques...Autant d'enjeux soulevés par les projets menés par l'association belge La «S» Grand Atelier avec des artistes porteurs ou non d'un handicap mental. Mixtes, les pratiques deviennent un terrain d'échanges où chacun, avec ses spécificités, entre en dialogue. Le langage d'un artiste rencontre celui d'un autre, la rencontre des deux langages en crée un troisième, inédit.Knock Outsider!est en quelque sorte l'acte de naissance de cette, de ces voie(s) nouvelle(s). Alternant textes de réflexion, chroniques, photographies et porte folios des oeuvres, ce livre propose plusieurs traversées : poétique, visuelle, documentaire et idéologique. Un manifeste qui sera suivi d'ouvrages et aventures réunis conjointement par La « S » et FRMK sous le nom Knock Out. Pour un constant aller-retour entre réalisations et relations. Pour une tension vive entre l'œuvre et l'humain. Vers un troisième langage.Avec les contributions de : Rita Arimont, Adolpho Avril, Jan Baetens, Alexandre Balcaen, Riccardo Bargellini, Richard Bawin, Marie Bodson, Paz Boïra, Kostia Botkine, Marcel Bugiel, Blu Cammello, Carmela Chergui, The Choolers, Nicole Claude, Nicolas Clément, Bruno Decharme, Arnout De Cleene, François de Coninck, Stéphane De Groef, Erwin Dejasse, Messieurs Delmotte, Laura Delvaux, Ludovic Demarche, Olivier Deprez, DoubleBob, Annabelle Dupret, Gustavo Giacosa, Dominique Goblet, Samuel Lambert, Sophie Langohr, Pascal Leyder, François Liénard, Thomas Mailaender, Teresa Maranzano, Barbara Massart, Barnabé Mons, Moolinex, Morvandiau, Pierre Muylle, Bruno Péquignot, Patrick Perin, Rémy Pierlot, Anne-Françoise Rouche, Marcel Schmitz, Dominique Théâte, Luc Vandierendonck, Thierry Van Hasselt, Won Kinny…

Les métamorphoses de Spirou. Le dynamisme d’une série de bande dessinée

Il était grand temps que le célèbre groom noir jaune rouge acquière ses lettres de noblesse et rejoigne le panthéon des personnages les plus glosés du Neuvième art belge – aux côtés de Tintin, les Schtroumpfs, Gaston Lagaffe ou encore Lucky Luke… Voilà qui est chose faite grâce au somptueux recueil collectif Les métamorphoses de Spirou (papier glacé, nombreuse illustrations en couleur savamment agencées, etc.). L’intérêt du personnage de Spirou ne repose pas que sur son pedigree. Dans un chapitre inaugural captivant et à partir d’une seule planche, Dick Tomasovic décortique – avec le brio de Marey et Muybridge pour le galop d’un cheval – la dynamique du toujours bondissant, plongeant, cascadant, échappant, bifurquant Spirou.Spirou le bien nommé – car en wallon, le mot signifie « écureuil », le saviez-vous ? – est en effet le personnage en 2D le plus animé qui soit. Sa caractéristique principale est cette insaisissable fluidité qui fait de lui «  un absolu du mouvement  » (D. Tomasovic). En témoigne sa première apparition sous la plume de Rob Vel, le 21 avril 1938, en couverture du premier numéro du Journal de Spirou . Au moyen d’une habile mise en abîme, le dessinateur y narrait en sept cases la genèse de sa créature de papier, qui s’échappe de la toile sur laquelle il vient d’être griffonné pour prendre immédiatement vie et vivacité.La mobilité de Spirou n’est pas que visuelle car, au contraire de Tintin qui eut pour créateur unique Hergé (compte non tenu des ses innombrables parodies), le fringant rouquin connut de multiples avatars sous la plume d’héritiers successifs, parmi lesquels on compte notamment Jijé, Franquin, Greg, Jidéhem, Roba, Fournier, Nic et Cauvin. À chaque génération son Spirou donc (et bien entendu son Fantasio, son Champignac, son Zorglub, son marsupilami). Sans doute un attachement particulier peut-il se marquer pour « l’héritage franquinien », dans lequel nombre de puristes verront l’aboutissement de la série (lire à ce propos l’excellente étude qu’Erwin Dejasse livre au sujet de l’album le plus déjanté, Panade à Champignac ). Le but de l’ouvrage n’est pourtant pas de juger des qualités des différents repreneurs, mais bien de saisir l’évolution d’une figure qui, quel que soit le trait qu’on lui a donné, séduit à chaque coup son lectorat et l’emporte dans ses folles aventures. L’article de Gert Meesters sur les évolutions stylistiques de la série, depuis sa création jusqu’au travail contemporain de Munuera et Morvan, est à cet égard des plus instructifs.Composé d’articles généraux puis de focus – sur la préhistoire de Spirou, l’art de Jijé, le Franquin dialoguiste, une comparaison avec Lagaffe, le portrait fouillé de Zorglub, les pastiches –, ce livre constitue une référence incontournable, qui fera pousser aux fans comme aux…